26 janvier 2010
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22:00
Poser la question c'est connaitre la réponse. Demander à quiconque dans le Val d'Yerres pourquoi il faut dépenser 20 millions d'euros pour aménager le carrefour de la Croix de Villeroy à l' intersection de la N6 et de la D33 en Essonne. La réponse est prête, votre interlocuteur vous répond convaincu :
Il faut aménager parce qu'il est accidentogène.
Il est vrai que depuis très longtemps la nécessité de cet aménagement fait partie des certitudes installées dans l'inconscient des habitants du Val d'Yerres.
Pourtant, à y réfléchir, la plupart d'entre nous n' a pas vraiment examiné un jour sa justification comparée à d'autres impératifs, ni à son degré d' urgence. La conviction de son utilité et de sa priorité sur d'autres besoins nous a saisi à notre insu.
Notre Conseil Régional , notre Conseil Général ont décidé pour nous; la presse (édition locale) a repris le discours officiel. Dans un discours très simple et efficace, il nous est expliqué que les bouchons et les accidents ne seront bientôt qu'un souvenir.
Faisons donc une courte revue des documents. Centrons l'intérêt sur la mortalité directe et indirecte sur la N6 avant et aprés l'aménagement : la mortalité par accidents et la mortalité par pollution.
Les morts par accidents
Les morts aujourd'hui
Les documents d'enquête publique insistent sur l'accidentologie du carrefour de la Croix de Villeroy. C'est une ZAAC, une zone d'accumulation d'accidents. Nous en convenons.
Mais faut-il pour autant dépenser 20 millions d'euros ? Quelles sont les raisons de ces accidents ? Excès de vitesse, alcool, faute d'attention, perte de conscience ? Est ce que ce carrefour a plus de victimes qu'un autre par véhicule le traversant ? Quel est le détail de l'accidentologie dans le Val d'Yerres ? N'économiserait-on pas plus de vies humaines avec une offre de transport collectif efficace ? En sécurisant d'autres carrefours ? Autant de questions sans réponses....
Tant il est parait clair que le vrai but de cet aménagement est d'accroitre la capacité de trafic de la N6. Voir Croix de Villeroy. Pour plus de trafic !
Essayons néanmoins d'exploiter les données. Sur la période 1998-2002 nous avons 1 tué, 10 blessés graves, 62 blessés légers. Les accidents arrivent bien plus souvent le week end. Leur répartition s'écarte de celle du reste du département.
La surmortalité du week end représente plus de 35% des accidents.
Il aurait été intéressant de comparer les mortalités en semaine à ce carrefour avec celles d'autres carrefours de capacité similaire. On pourrait constater peut être qu'en semaine, il n'est pas spécialement accidentogène.
Or ce n'est pas un grand échangeur qui accroîtrera la fluidité, qui changera les comportements.
On peut même se demander ce qui se passera demain si ces mêmes conducteurs perdaient le contrôle de leur véhicule sur les giratoires. Ou ce qui se passera lorsqu'ils traverseront Brunoy.
Les morts demain
Les documents sont rassurants. Comparons les chiffres avant et aprés aménagement sur cinq ans.
Toutefois le design de l'ouvrage est très original car c'est un échangeur rural à profil urbain.
Comparons l'échangeur projeté à d'autres échangeurs ruraux.
L'échangeur projeté a deux giratoires jouxtant la N6 à 6 métres de haut. Les véhicules qui empruntent les giratoires sont en permanence en train de négocier des courbes et de gérer des priorités, une grande attention est requise. En cas de perte de contrôle, il faut éviter que le véhicule dévale de 6 mètres de haut, au mieux sur les bas cotés, au pire sur la N6. Des barrières de sécurité doivent être mises en place. Elle doivent être d'autant plus résistantes que l'angle d'attaque des glissières par un véhicule peut être élevé comme le montre le dessin ci-dessous et que le trafic comporte un nombre de poids lourds important.
A contrario sur l'échangeur présenté à droite, les giratoires sont au niveau du sol. En cas de perte de contrôle sur le giratoire des dispositifs de retenue légers pourront amortir le choc. Et les véhicules qui veulent utiliser le pont sur la route l'abordent dans leur trajectoire. Même en cas de perte de contrôle, l'angle d'attaque des glissières restera faible et le véhicule sera rabattu vers la chaussée. La probabilité d'atterrir sur la route est infime.
De même, sur l'échangeur ci-dessous à gauche, le rayon de courbure étant grand, le risque d'avoir un angle élevé à l'impact est faible si les entrées et les sorties sont bien profilées (ce que permet un diamètre plus grand). En cas de perte de controle des mécanismes de retenue légers atténueront le choc. Et s'ils cèdent le véhicule ne créera pas d'accidents supplémentaires.
Revenons sur l'échangeur projeté. Il est possible d'arguer que la probabilité de dévaler sur la N6 est faible mais notre inquiétude a, au moins, deux raisons:
Les réductions de vitesse très élevées sont souvent mal comprises par les conducteurs. Il a d'ailleurs été observé de nombreux excès de vitesse à la Croix de Villeroy comme indiqué en haut de la pièce ci-jointe.
Il est certain que dans un contexte urbain , les excès seraient moindres en nombre et en importance car réduire sa vitesse de 20 km/h est un acte courant et généralement bien accompli. La réduire de plus de 50 km-h dans un contexte rural forestier est une opération plus propice à infraction. Ce sera pourtant nécessaire avec les giratoires projetés.
Le nombre d'utilisateurs de l'ouvrage sera impressionnant. Chaque année plus de 10 millions de véhicules franchiront un ou deux giratoires (50% en franchiront deux). De quoi avoir le plus large éventail d'états techniques de véhicules, d'états de santé de conducteurs, et de conditions météorologiques.
Les conséquences de l'"atterrissage" d'un véhicule sur la N6 sont potentiellement dramatiques. L'arrivée d'un véhicule sur cette route où transitent aux heures de pointe plus de 1000 véhicules heure par voie peut créer un spectaculaire et meurtrier carambolage. De quoi faire plus de morts en un accident que l'infrastructure actuelle en vingt ans.
La sécurité de l'ouvrage doit être parfaite.
C'est pourquoi le type des dispositifs de retenue est déterminant. Si ces dispositifs sont légers, la probabilité de descendre sur la N6 en cas de perte de contrôle est bien réelle. S'ils sont plus résistants, il n'est pas certain qu'ils puissent résister au choc d'un gros poids lourds mais les autres véhicules seront stoppés ......brutalement. Et des accidents mineurs avec des barrières légères qui amortissent l'impact seront transformés en accidents graves par des barriéres plus solides.Une originalité qui mérite d'être soulignée.
Le cumul des éléments suivants: prolongement en voie rapide d'une autoroute, cadre forestier rural, comportement des conducteurs, haute résistance des barrières, pente des accès ...
concourent pour donner à croire que les prévisions risquent d'être fort optimistes. La base statistique ne doit pas être trés riche d'aménagements ruraux analogues, les giratoires à haut trafic perchés en altitude et jouxtant une voie à forte capacité ne paraissant pas être un cas courant.
C'est pourquoi, les gains annoncés à la Croix de Villeroy restent à démontrer (0,16 tué en moins notamment) . Et nous espérons que la hausse conséquente de trafic ailleurs sur la N6 et dans le Val d'Yerres ne fera pas plus d'accidents que l'aménagement de la Croix de Villeroy ne prétend en économiser.
Mais, nul ne le sait, les effets de cette hausse, effets indirects de l'aménagement de la Croix de Villeroy, n'ont fait l'objet d'aucune étude accident.
Les morts par la pollution (article suivant)
Pour aller plus loin :ZAAC : lieux accidentés
Il faut aménager parce qu'il est accidentogène.
Il est vrai que depuis très longtemps la nécessité de cet aménagement fait partie des certitudes installées dans l'inconscient des habitants du Val d'Yerres.
Pourtant, à y réfléchir, la plupart d'entre nous n' a pas vraiment examiné un jour sa justification comparée à d'autres impératifs, ni à son degré d' urgence. La conviction de son utilité et de sa priorité sur d'autres besoins nous a saisi à notre insu.
Notre Conseil Régional , notre Conseil Général ont décidé pour nous; la presse (édition locale) a repris le discours officiel. Dans un discours très simple et efficace, il nous est expliqué que les bouchons et les accidents ne seront bientôt qu'un souvenir.
Faisons donc une courte revue des documents. Centrons l'intérêt sur la mortalité directe et indirecte sur la N6 avant et aprés l'aménagement : la mortalité par accidents et la mortalité par pollution.
Les morts par accidents
Les morts aujourd'hui
Les documents d'enquête publique insistent sur l'accidentologie du carrefour de la Croix de Villeroy. C'est une ZAAC, une zone d'accumulation d'accidents. Nous en convenons.
Mais faut-il pour autant dépenser 20 millions d'euros ? Quelles sont les raisons de ces accidents ? Excès de vitesse, alcool, faute d'attention, perte de conscience ? Est ce que ce carrefour a plus de victimes qu'un autre par véhicule le traversant ? Quel est le détail de l'accidentologie dans le Val d'Yerres ? N'économiserait-on pas plus de vies humaines avec une offre de transport collectif efficace ? En sécurisant d'autres carrefours ? Autant de questions sans réponses....
Tant il est parait clair que le vrai but de cet aménagement est d'accroitre la capacité de trafic de la N6. Voir Croix de Villeroy. Pour plus de trafic !
Essayons néanmoins d'exploiter les données. Sur la période 1998-2002 nous avons 1 tué, 10 blessés graves, 62 blessés légers. Les accidents arrivent bien plus souvent le week end. Leur répartition s'écarte de celle du reste du département.
En % accident | ||||
Toute la semaine sauf weekend (251 jours) | Weekends et jours fériés (114 jours) | Par jour ouvré/semaine | Par jour non ouvré/semaine | |
En Essonne | 68% | 32% | 14 % | 14% |
A la Croix de Villeroy | 40% | 60% | 8, 25 % | 26% |
Ici, un jour de weekend, c'est trois fois plus d'accidents qu'un jour de semaine. A se demander si l'accidentologie élevée de la Croix de Villeroy n'est pas le fruit du comportement des ( ou plus précisément de quelques) conducteurs du weekend. A moins que ce ne soit une aberration statistique. |
La surmortalité du week end représente plus de 35% des accidents.
Il aurait été intéressant de comparer les mortalités en semaine à ce carrefour avec celles d'autres carrefours de capacité similaire. On pourrait constater peut être qu'en semaine, il n'est pas spécialement accidentogène.
Or ce n'est pas un grand échangeur qui accroîtrera la fluidité, qui changera les comportements.
On peut même se demander ce qui se passera demain si ces mêmes conducteurs perdaient le contrôle de leur véhicule sur les giratoires. Ou ce qui se passera lorsqu'ils traverseront Brunoy.
Les morts demain
Les documents sont rassurants. Comparons les chiffres avant et aprés aménagement sur cinq ans.
Période (5 ans) | morts | blessés graves | blessés légers |
accidentés de | 1 | 10 | 62 |
accidentés prévus en 2006-2010 | ? | ? | ? |
0,8 | 5,3 | 53 |
Toutefois le design de l'ouvrage est très original car c'est un échangeur rural à profil urbain.
Comparons l'échangeur projeté à d'autres échangeurs ruraux.
L'échangeur projeté a deux giratoires jouxtant la N6 à 6 métres de haut. Les véhicules qui empruntent les giratoires sont en permanence en train de négocier des courbes et de gérer des priorités, une grande attention est requise. En cas de perte de contrôle, il faut éviter que le véhicule dévale de 6 mètres de haut, au mieux sur les bas cotés, au pire sur la N6. Des barrières de sécurité doivent être mises en place. Elle doivent être d'autant plus résistantes que l'angle d'attaque des glissières par un véhicule peut être élevé comme le montre le dessin ci-dessous et que le trafic comporte un nombre de poids lourds important.
A contrario sur l'échangeur présenté à droite, les giratoires sont au niveau du sol. En cas de perte de contrôle sur le giratoire des dispositifs de retenue légers pourront amortir le choc. Et les véhicules qui veulent utiliser le pont sur la route l'abordent dans leur trajectoire. Même en cas de perte de contrôle, l'angle d'attaque des glissières restera faible et le véhicule sera rabattu vers la chaussée. La probabilité d'atterrir sur la route est infime.
De même, sur l'échangeur ci-dessous à gauche, le rayon de courbure étant grand, le risque d'avoir un angle élevé à l'impact est faible si les entrées et les sorties sont bien profilées (ce que permet un diamètre plus grand). En cas de perte de controle des mécanismes de retenue légers atténueront le choc. Et s'ils cèdent le véhicule ne créera pas d'accidents supplémentaires.
Revenons sur l'échangeur projeté. Il est possible d'arguer que la probabilité de dévaler sur la N6 est faible mais notre inquiétude a, au moins, deux raisons:
Les réductions de vitesse très élevées sont souvent mal comprises par les conducteurs. Il a d'ailleurs été observé de nombreux excès de vitesse à la Croix de Villeroy comme indiqué en haut de la pièce ci-jointe.
Il est certain que dans un contexte urbain , les excès seraient moindres en nombre et en importance car réduire sa vitesse de 20 km/h est un acte courant et généralement bien accompli. La réduire de plus de 50 km-h dans un contexte rural forestier est une opération plus propice à infraction. Ce sera pourtant nécessaire avec les giratoires projetés.
Le nombre d'utilisateurs de l'ouvrage sera impressionnant. Chaque année plus de 10 millions de véhicules franchiront un ou deux giratoires (50% en franchiront deux). De quoi avoir le plus large éventail d'états techniques de véhicules, d'états de santé de conducteurs, et de conditions météorologiques.
Les conséquences de l'"atterrissage" d'un véhicule sur la N6 sont potentiellement dramatiques. L'arrivée d'un véhicule sur cette route où transitent aux heures de pointe plus de 1000 véhicules heure par voie peut créer un spectaculaire et meurtrier carambolage. De quoi faire plus de morts en un accident que l'infrastructure actuelle en vingt ans.
La sécurité de l'ouvrage doit être parfaite.
C'est pourquoi le type des dispositifs de retenue est déterminant. Si ces dispositifs sont légers, la probabilité de descendre sur la N6 en cas de perte de contrôle est bien réelle. S'ils sont plus résistants, il n'est pas certain qu'ils puissent résister au choc d'un gros poids lourds mais les autres véhicules seront stoppés ......brutalement. Et des accidents mineurs avec des barrières légères qui amortissent l'impact seront transformés en accidents graves par des barriéres plus solides.Une originalité qui mérite d'être soulignée.
Le cumul des éléments suivants: prolongement en voie rapide d'une autoroute, cadre forestier rural, comportement des conducteurs, haute résistance des barrières, pente des accès ...
concourent pour donner à croire que les prévisions risquent d'être fort optimistes. La base statistique ne doit pas être trés riche d'aménagements ruraux analogues, les giratoires à haut trafic perchés en altitude et jouxtant une voie à forte capacité ne paraissant pas être un cas courant.
C'est pourquoi, les gains annoncés à la Croix de Villeroy restent à démontrer (0,16 tué en moins notamment) . Et nous espérons que la hausse conséquente de trafic ailleurs sur la N6 et dans le Val d'Yerres ne fera pas plus d'accidents que l'aménagement de la Croix de Villeroy ne prétend en économiser.
Mais, nul ne le sait, les effets de cette hausse, effets indirects de l'aménagement de la Croix de Villeroy, n'ont fait l'objet d'aucune étude accident.
Les morts par la pollution (article suivant)
Pour aller plus loin :ZAAC : lieux accidentés
Version 02 du 28 janvier 2010